Je suis né d’un père sorcier et d’une mère moldue, dans le sud de l’Angleterre, près de Bristol. Ma mère a très bien accepté la condition magique de mon père et c’est pourquoi elle ne fut pas vraiment étonnée de me voir faire voleter mon ours en peluche dès l’âge de quatre ans. A mon plus grand damne je demeure enfant unique, car ma mère fut victime d’un cancer qui l’empêcha de tomber enceinte à nouveau malgré de nombreuses tentatives vaines. Cependant, je grandis dans une famille aimante et dévouée, sans jamais manquer d’amour. J’ai aujourd’hui encore une très bonne relation avec mes parents, qui ont la particularité de partager certains de mes vices. En effet, mon père est le fondateur de la boîte de strip tease que je dirige maintenant, The Pink Lady, et ma mère est l’ancienne directrice artistique du célèbre Crazy Horse. Autant dire que la luxure est un trait de famille chez les Lancastre.

A onze ans, j’entrais à Poudlard comme tout bon petit sorcier qui se respecte. Je fus envoyé à Serpentard, où j’excellais en potion et métamorphose, délaissant la botanique et l’astronomie. J’y fis des rencontres intéressantes, collectionnai les petites amies sans vraiment tomber amoureux, et finis diplômé avec bien plus d’honneur que je ne l’aurai pensé puisque je terminai préfet-en-chef. A la sortie de l’école, mon père me proposa de reprendre les rennes du club de strip tease et proposa de la co-diriger avec moi pendant cinq ans après quoi j’en deviendrai le propriétaire. C’est à ce moment là que je découvris que mon père n’était pas uniquement directeur d’un club où les filles se déhanchaient à moitié nues sur une barre de métal. En effet, j’ai bien vite compris que le chiffre d’affaire exorbitant de la boîte était aussi lié au fait que la mafia sorcière avait élu quartier général au Pink Lady. Mon père très au courant, semblait baigner dans des escroqueries sans nom : fraude fiscale, trafic de potions illégales, proxénétisme. Et mon apprentissage débutait alors : comment diriger un club légal d’une main de fer tout en négociant des contrats plus illégaux les uns que les autres.

Cinq ans après, comme promis, mon père prit sa retraite et me laissa, confiant, les rennes de son club. Je suivis ses pas et surpassait même le maître puisque le chiffre d’affaire doubla en seulement trois ans, et la réputation du club fut encore meilleure qu’avant. Des filles du monde entier venaient demander un emploi, quant aux mafieux, leur salle VIP semblait leur aller à merveille. J’ouvris même mon pub aux moldus qui se révélèrent être une véritable mine d’or, une salle spéciale leur fut réservée, afin qu’ils n’entendent pas les conversations sorcières. J’inaugurai des sortilèges repousse moldus afin de diversifier ma clientèle. A vingt-quatre ans je rencontrai Anoushka, une magnifique danseuse russe que j’embauchai sans me poser de question tant elle m’éblouit de ses hanches rondes et de son sourire coquin. Nous vivions une idylle passionnée pendant deux ans, avant qu’elle ne tombe enceinte. Loin de me démonter, j’acceptais la venue d’un petit être dans ma vie, qui serait, j’en suis sûr, un très bon héritier.

Anoushka accoucha d’une petite fille, Flora. Elle etait aussi divine que sa mère, bien sûr et je l’aimais dès le moment où je posai mon regard de père sur ses grands yeux clairs. Les mois passèrent, et Anoushka se fit de plus en plus distante, jusqu’à disparaître du jour au lendemain, me laissant Flora sans un mot. C’est ainsi que mon cœur s’est peu à peu transformé en pierre, sans jamais s’ouvrir à la moindre femme : après ce que j’avais vécu avec Anoushka, il était hors de question de revivre ça, d’autant plus que j’avais une fille à élever et un club à diriger. Bien sûr, l’aide précieuse de mes parents m’aida à rester la tête hors de l’eau, et ma mère se révéla être une grand-mère exemplaire. Mais il restait que Flora grandissait sans mère et je ne pouvais lui donner l’amour de deux parents à la fois.

Aujourd’hui, Flora a deux ans et demi et c’est un amour, c’est bien la seule femme pour qui je donnerai ma vie. Ma vie sentimentale s’est retrouvée être étrangement garnie de coups d’un soir, parfois avec mes danseuses, d’autres fois avec des moldues. Préférant les jeter au petit matin, un sourire carnassier aux lèvres. Je ne suis plus amoureux d’Anoushka, mais la blessure reste encore béante et je refuse de laisser quiconque y planter un nouveau couteau. Pour combler cela, je préfère couvrir de cadeaux ma fille, et passer d’une fille à un autre sans même prendre la peine de me souvenir de leur prénom. Du moins, c’est ce que je comptais faire jusqu’à la fin de ma vie, jusqu’à ce que je la rencontre. Elle et sa chevelure blonde au parfum entêtant, elle et ses grands yeux bleus, ses éclats de rire polis… Je l’ai rencontré dans ce café qu’elle tient au Chemin de Travers, et ses yeux de biches n’ont cessé de me tourmenter depuis. Que m’arrive-t-il ? Je ne supporte pas cette indécision et surtout je crains que cette obsession ne m’assène le coup de grâce. Il me faut cette fille, et quand je l’aurai, j’espère que ce sera comme avec toutes les autres : je m’en lasserai. Il ne peut en être autrement. A moins que… a moins qu’elle ne soit assez cruelle pour briser un cœur une seconde fois. J’ai entendu dire qu’elle était mariée. Qu’importe, je ferais d’elle une infidèle d’un soir avant de la rendre à son époux dans les bras du quel elle se perdra en excuses. Toutes les mêmes.

Aux vues de mon sang mêlé et de ma clientèle moldue, autant dire que je suis tout ce qu’il y a de plus pro-moldus et sans mêlé. En effet, même si j’ai une vision très économique et financière de la chose, je trouve que cette ségrégation est une régression sociale, qui fait de nous sorciers, des êtres drôlement inférieurs aux moldus bien plus ouverts d’esprit. La mafia, que je côtoie tous les jours, est sans doute d’accord avec moi, car elle aussi a des liens très étroits avec la mafia moldues et s’est organisée une petite clientèle née-moldue. La politique n’entre pas dans mon bar, et très généralement les mangemorts évitent de venir s’y divertir car tout le monde sait que j’embauche quasiment uniquement des nées-moldues et autre sang mêlées. Pour l’instant, je ne crains pas pour mon club, tant que la mafia y aura ses quartiers, il y aura toujours un parrain pour graisser la patte du ministre, et c’est bien pour cela que je compte conserver mes amis influents et leur offrir un cocktail chaque fois que j’en ai l’occasion. Du reste, je suis répété comme n’ayant que faire de la valeur du sang et c’est bien pour cela que de nombreux né-moldus me demandent du travail. Discrimination positive ? je ne sais pas, le fait est que je n’embauche pas de sang pur, question de principe. Et si résistance il y a, je crois qu’ils savent parfaitement que mon club leur est ouvert.