Le soleil tombait doucement derrière les arbres de la forêt interdite. Assise sur une pierre, à la limite du bois, je sifflotais une mélodie dont j'avais oublié les paroles, les notes se perdant dans le vent sifflant. Hormis ma voix et le bruit sifflant des ravales violentes, il n'y avait rien. La nuit s'installait discrètement, apportant avec elle un froid perçant. J'allumais une cigarette, et fermais les yeux.
J'avais froid et rêvais de la réconfortante chaleur d'un feu de bois, mais j'étais lasse. L’hypocrisie qui régnait entre les murs du château me fatiguait, et jouer la sang-pur ne m'amusais plus. Mais il était trop tard pour faire machine arrière. Si ces putains de grandes familles s'apercevaient un jour de la supercherie, ma tête rejoindrais celle de mes semblables, les sangs de bourbes. J'étais mille fois trop fière pour me soumettre à leur règles pathétiques. Et mille fois trop fière pour être de ceux qui se soumettaient.
Je comptais les mois qu'il me restaient avant d'obtenir mon diplôme. Bientôt, je serais libre d'être qui je voulais être. Bientôt je n'aurais plus besoin de jouer un rôle à chaque instant. Bientôt je.. Mais que voulais-je être? Rien ne m'attirais que la déchéance et le néant. Je n'avais envie que de vivre en solitaire, seule et selon mes propres règles. Une marginale, une paria, peut-être. Je me mis à rire. Qui aurait rêver de telles choses? Je ne me comprenais pas moi-même. Je jetais mon mégot loin de moi et tentais de trouver une logique à mes envies.
Je voulais sortir de leur conscience. Ne plus exister que grâce à moi-même, et de ne dépendre ni de leur loi, ni de leur désir malsains et macabres.
Si je sortais de leur système, ils ne pourraient plus jamais faire de moi ce qu'ils voulaient. Je refusais de leur offrir le luxe de me soumettre. Plus que quelques mois et je pourrais enfin vivre comme je l'avais toujours voulu: indépendante.

Je ramassais mon sac et, fataliste, rentrais: le froid avait eu raison de moi. Frottant mes mains l'une contre l'autre, je courrais presque vers la chaleur du château, gênée par le vent qui s’immisçait sous mon col et sous mes manches. Calmant le rythme, j'écoutais le vent. Mais il y avait quelque chose d'autre. Ou quelqu'un d'autre. Ma main trouva ma baguette dans ma poche, et je me retournais, aux aguets. Le vent amenait mes cheveux devant mes yeux, m’empêchant de voir clairement. Je fronçais les sourcils, ne baissant toujours pas ma baguette.